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Rapport de l’IGF sur les absences dans la Fonction publique : « Payez-les moins ! »

Dans le cadre de la revue des dépenses 2023-2027 demandée par l’ex-Premier ministre Gabriel Attal, l’inspection générale des Finances, modestement appuyée par l’IGAS dans ce cas, a publié sur son site le 4 septembre 2024 une «  Revue de dépenses relative à la réduction des absences dans la Fonction publique  ».

On pouvait s’attendre à ce que l’IGF et l’IGAS prennent la mesure de l’enjeu, aident à dresser un état des lieux et intègrent à leur réflexion les acquis des discussions entre syndicats et ministère de la Fonction publique, puisque la question des absences pour maladie avait été abondamment discutée et même négociée dans la Fonction publique entre 2019 à 2023, tant sous l’angle d’une politique générale de santé que des accords de 2022 et 2023 en santé et en prévoyance complémentaire dans l’État.

Malheureusement, à la lecture du rapport, on se demande comment autant d’intelligences individuelles peuvent aboutir à autant de bêtise collective.

Une inspection des Finances qui ne sait dire qu’une seule phrase : «  Il faut baisser les dépenses   »

Malgré les 275 pages du rapport, il est en fait entièrement résumé par le tableau qui occupe tout seul sa cinquième page : il est possible de gagner un demi-milliard de dépenses salariales par versant de la Fonction publique, en réduisant la prise en charge statutaire de la maladie ordinaire.

L’instauration d’un 2e et/ou d’un 3e jour de carence est proposée, ainsi que de passer de 100 % à 90 % de la rémunération pour les trois premiers mois de maladie ordinaire. Le milliard et demi ainsi gagné dans les trois versants représente 10 % des 15 milliards de prise en charge statutaire de l’ensemble des congés de maladie dans toute la Fonction publique.

L’IGF : BEAUCOUP DE CALCULS, PEU DE RÉFLEXION

Dans l’État, ces centaines de millions reviennent à reprendre sur la prise en charge statutaire de la maladie ordinaire les améliorations statutaires concédées par l’accord sur la prévoyance du 20 octobre 2023. La prise en charge statutaire d’un tiers des primes la première année de longue maladie, de 60 % de la rémunération primes comprises les 2e et 3e années de la longue maladie, l’alignement complet des contractuels sur les fonctionnaires aussi bien en longue (grave) maladie qu’en maladie ordinaire, la prise en charge des invalides à 40 % en 1re catégorie et à 70 % au-delà, coûteront plusieurs centaines de millions.

Les syndicats n’auraient ni négocié ni signé l’accord en prévoyance de la même façon si la perspective était que les améliorations statutaires des arrêts les plus longs devaient être «  payées  » par une dégradation statutaire des congés de maladie ordinaire. De telles propositions d’économies budgétaires remettent purement et simplement en cause la parole de l’État, donc la validité de sa signature d’accords négociés.

Cet aspect de la question n’a pas l’air même d’effleurer la réflexion des inspecteurs de l’IGF, ils n’en parlent pas et visiblement pour eux ça n’a pas d’existence. Ou bien nos inspecteurs ont les neurones déjà calcifiés, ou bien, ce qui est plus probable, derrière la technique budgétaire il y a de la politique, c’est-à-dire une politique qui réduit à néant toute possibilité de négociation avec les syndicats, et peut-être même tout simplement toute possibilité d’une «  gestion des ressources humaines  » ayant un tant soit peu de rationalité.

RÉPRIMER, C’EST MIEUX QUE CONNAÎTRE LA RÉALITÉ ET DÉFINIR UNE POLITIQUE

La conséquence d’une réflexion qui ne sait plus que taper sur un seul clou, la réduction des dépenses budgétaires et des rémunérations des fonctionnaires, c’est l’indigence des propositions de politique des ressources humaines qui sont faites dans le rapport, qui se résument à accroître la répression des agents. Si ce n’est prévoir plus de contrôles et plus de numérique, les inspecteurs ne proposent rien de tangible.

Ils donnent l’impression de croire vraiment que des jours de carences supplémentaires et une réduction de la prise en charge de la rémunération vont réduire le nombre de jours de congé maladie, alors qu’ils s’accroissent dans la Fonction publique comme partout depuis le COVID. Le rapport ne s’appuie sur aucune étude indiscutable, car elles n’existent pas, mais certaines plus fiables disent pourtant que les jours de carence aggravent la durée des congés longs.

Concernant la politique de prévention en santé, les inspecteurs la renvoient entièrement sur les opérateurs de la protection sociale complémentaire, ce qui devrait faire bondir à la fois les mutualistes, les syndicalistes et les gestionnaires des agents.

La réflexion de fond, aussi bien chez les syndicalistes que du côté du ministère de la Fonction publique, qui a abouti à un accord pour réformer l’invalidité statutaire, était d’abord la nécessité de sortir d’un système profondément pervers, qui déresponsabilise les employeurs et les poussent à se débarrasser des agents invalides en les mettant en retraite, pour aller vers un système plus vertueux, favorisant un meilleur maintien dans l’emploi des invalides, et de véritables reclassements, au prix d’une meilleure prise en charge par l’employeur de la rémunération des invalides jusqu’à 62 ans.

Visiblement, une telle sophistication de la réflexion collective sur les effets des mécanismes de prise en charge des agents est totalement inaccessible aux inspecteurs de l’IGF, même si ailleurs dans l’État on réfléchit vraiment.

De plus, alors que les inspecteurs reconnaissent que la connaissance réelle du nombre de congés maladie, et des dépenses de rémunération statutaire pour ces congés, est lacunaire, alors qu’ils expliquent eux-mêmes que leurs chiffrages sont des extrapolations sur 5,5 millions d’agents d’enquêtes concernant 15 000 agents, ils assènent pourtant chiffrages et conclusions définitives avec une assurance pourtant très discutable. L’indigence des statistiques publiques en santé est telle qu’il ne serait pas impossible que bientôt les opérateurs complémentaires soient les seuls à avoir une connaissance exacte du nombre de congés maladie, et de leur coût réel, pour des populations précises d’agents, ce qui n’est pas souhaitable, ni pour l’État ni pour les syndicats.

Concernant l’excès de congés maladie du public par rapport au privé, le rapport établit qu’en fait c’est totalement une question d’âge, de genre et de métiers pour l’État et pour l’hospitalière, mais à moitié seulement pour la territoriale (à partir d’une connaissance indigente ?). Pourtant, la conclusion c’est que les règles du privé, les 3 jours de carence, et les 90 % de la rémunération les premiers mois de maladie, sont la solution, alors que 70 % des salariés du privé, tous ceux des grandes et moyennes entreprises, n’y sont pas assujettis.

Emportés par leur enthousiasme du «  rabot  », les inspecteurs suggèrent même de diminuer les autorisations d’absence pour enfant malade, et même pour les fêtes religieuses (tant qu’on y est !).

En un mot comme en cent, un tel rapport sur un tel sujet est exactement ce qu’il ne faut pas faire : on fait la seule chose qu’on sait faire, baisser les dépenses, on ne réfléchit pas dans le cadre global d’une politique de santé et de prévention, on crée même les conditions d’une destruction de la possibilité de telles politiques, et on ne sait rien de bien précis tout en affirmant hautement avoir des solutions.

S’il vient à l’idée du futur gouvernement Barnier — si tant est qu’il existe encore quand les lecteurs liront ces lignes — de mettre en œuvre de telles propositions, nous devrons les combattre, non seulement parce qu’elles sont défavorables aux agents publics, mais aussi parce qu’elles sont fondées sur une réflexion collective stupide et qu’elles dégraderont la santé des agents publics si elles sont mises en œuvre.  

Article paru dans le journal Fonction Publique de l’UFSE CGT - Aout/Septembre 2024 - n°341/342 en lien ICI => https://www.calameo.com/read/0052605214732692ae5bb?page=10

Article publié le 30 octobre 2024.


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